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La chronique de Michel Barry: Tube de Pitot* ou venturi** ?


Michel Barry

Vous vous posez souvent la question de savoir comment fonctionnent exactement les deux instruments-antenne que vous êtes susceptibles d'installer comme antenne d'anémomètre sur votre appareil afin d'alimenter votre anémomètre de bord : le tube de Pitot et le venturi.
Ils exploitent tous deux le principe de Bernoulli*** en provoquant une variation de pression δP au sein de l'air en mouvement mais chacun selon des processus très différents.
Cette variation de pression δP égale (Pitot) ou simplement proportionnelle (venturi) au carré de la vitesse de l'air est lue sur un manomètre ou anémomètre installé au tableau de bord.
Mais attention δP(Pitot) et δP(venturi) n'ont pas le même signe et ceux qui connectent un anémomètre destiné à un tube de Pitot à une antenne-venturi sont certains de lire n'importe quoi (et inversement)...


Principe de Bernoulli :

« Dans un gaz si on respecte certaines hypothèses la pression totale Pt reste constante »
Cette pression totale qui représentel'énergie totale contenue dans le fluide en mouvement est la somme de deux pressions distinctes :

1. la pression statique Ps :
c'est la pression au sens commun du concept, la pression atmosphérique autour de l'avion.

2. la pression dynamique Pd :
c'est par exemple la pression du vent sur votre main placée perpendiculairement à la vitesse ; elle est due au fait que l'air en mouvement « contient » une énergie cinétique et toute tentative d'arrêt par un obstacle (le tube de Pitot s'appelle aussi sonde de pression d'arrêt) augmente la pression des particules d'air qui sont stoppées ou simplement ralenties.
Une rapide mise en équation montre que cette pression dynamique Pd issue directement de la variation d'énergie cinétique vaut : Pd = ρV² /2 ρ est la masse volumique de l'air voisine de 1,2 kg.m-³ pour les basses couches atmosphériques)
Puisque la somme pression statique + pression dynamique appelée pression totale Pt reste constante, on écrit :
          Ps + Pd = constante = Pression totale = Pt
          ou Ps + ρV² /2 = Pt ( équation de Bernoulli simplifiée)


Principes du tube de Pitot et du venturi

Leur principe même consiste par des artifices géométriques, soit à arrêter (tube de Pitot), soit à accélérer (venturi) la vitesse de certaines particules d'air contenues dans ce que l'on appelle un « tube de courant » puis à mesurer la pression des particules ainsi torturées. L'effet de « torture » sera d'autant plus grand que la vitesse sera grande. En comparant ensuite la pression statique d'une zone non perturbée à la pression statique d'une zone perturbée (arrêtée ou accélérée) on en déduira par calcul ou par étalonnage la vitesse des particules. Dans ce rôle de « bourreau des particules » tube de Pitot et venturi ont un fonctionnement opposé :

1. le tube de Pitot :

Il est placé dans une zone où l'air circule sans perturbation et paradoxalement, la pression totale Pt étant constante tout autour de l'avion on peut en principe l'installer là où on veut sauf dans le souffle de l'hélice (la pression totale y est différente de celle qui nous intéresse !).
Le tube de Pitot arrête les particules et de ce fait le terme de pression dynamique (Pd = ρV² /2) devient très localement nul puisque la vitesse est nulle dans la zone d'arrêt. Pt étant constante tout autour du tube de Pitot l'équation de Bernoulli devient :
          Ps + 0=Pt
c'est à dire que le tube de Pitot « voit » une pression statique locale (dans les quelques mm3 où il arrête l'air) égale à la pression totale de l'écoulement

fig 1

Fig.1 Schéma des pressions autour du tube de Pitot :


Ainsi par arrêt de l'écoulement on augmente sa pression Ps et on porte localement (là où la vitesse est nulle) l'air à la pression totale Pt ; cette petite zone d'arrêt est localisée devant le tube de Pitot (Fig. 2 A) qui peut en transmettre la pression à distance grâce à un tube étanche. En effectuant la différence ( Pt - Ps), Ps pression statique mesurée dans une zone où on a pris soin de ne pas perturber l'écoulement, à la paroi du fuselage ou à la paroi d'un « tube de pression statique », on calcule la pression dynamique ρV² /2 = Pd puisque : Ps + ρV² /2 = Pt alors ρV² /2 = Pt - Ps d'où : V = racine carrée de 2(Pt-Ps)/ ρ

fig 2

Fig.2A Technologie du circuit anémométrique avec tube de Pitot
La capsule reçoit la pression totale Pt à l'intérieur et son extérieur est soumis à la pression statique Ps. Sa déformation est proportionnelle à Pt-Ps c'est à dire à ρV² /2

2. le venturi :

fig 3

Fig.3 Schéma des pressions autour du venturi
Le tube de courant d'air capté par le venturi est accéléré au col de ce dernier. La ligne pointillé (1) représente la répartition de la pression statique dans le venturi.
Au col, partie la plus étroite, la pression Psc est très inférieure à Ps autour de l'avion. (Ps-Psc = δP avec δP proportionnel à ρV² /2)
Le venturi n'arrête pas les particules d'air comme le tube de Pitot mais au contraire il les accélère et conformément à l'équation de Bernoulli l'accroissement de vitesse subi par l'air qui s'engouffre dans l'instrument provoque une diminution de la pression statique Psc dans sa partie la plus étroite : le col.
La dépression ainsi provoquée proportionnelle au carré de la vitesse dépend aussi de la contraction que l'on fait subir à la veine d'air captée par le venturi.
Plus le col est mince, plus la dépression est grande. Cependant il existe une limite à la contraction car à partir d'une certaine valeur l'air ne passe plus dans le venturi qui est alors contourné et,à la limite, si le col était trop petit le venturi se comporterait comme un tube de Pitot !
Vous comprenez qu'il existe une géométrie optimale à la réduction de section : celle qui provoque le maximum de dépression : δP. Suivant la géométrie on peut écrire : ρPV² /2 = k. δP avec k fonction du rapport des sections Se/Sc et de la perméabilité du venturi.

Les lois qui régissent k sont complexes et dépendent de la viscosité de l'air, de la forme extérieure du venturi, de la compressibilité de l'air...ce qui explique pourquoi en général on étalonne un venturi au lieu de chercher à évaluer son coefficient k par un calcul hasardeux et la plupart du temps approximatif.
L'intérêt du venturi comparé au tube de Pitot réside dans le fait que par une géométrie adaptée on peut obtenir des valeurs de k bien inférieures à 1 (entre 0,6 et 0,8) Ainsi pour une même vitesse initiale de l'air on réalise une amplification notable de δP, comparée au Tube de Pitot. Cette amplification va dans le sens d'améliorer la précision de la mesure. Caractéristique appréciable notamment à basse vitesse où la différence de pression est faible.
Pour des vitesses supérieures à 100 km/h (30m/s ou 60 kt), δP est en général assez grande pour être lue avec une précision suffisante par le tube de Pitot assisté de son mano-anémomètre, et on n'utilise pas le venturi plutôt réservé aux appareils lents (planeurs, ULM).

3. L'anémomètre ou manomètre différentiel (fig2B):

fig 2B

C'est l'appareil de mesure installé dans le poste de pilotage ou Badin. Bien qu'il soit sensible à une différence de pression, il est gradué en vitesse, celle qui correspondrait à la vitesse réelle si la masse volumique de l'air valait 1,225 kg/m3. Il faut en toute rigueur corriger son indication si l'air autour de l'avion n'est pas en conditions standards.
Le principe de la capsule étanche qui se déforme sous l'action de la différence de pression entre sa cavité intérieure et le milieu extérieur est à la base de la plupart des manomètres destinés aux gaz et en particulier à l'air.

Ils exploitent tous le même principe de la capsule sensible à la pression et dont on mesure la déformation.

Concernant plus précisément l'anémomètre il doit matérialiser une différence de pression. En général ses chambres notamment dans le cas d'un tube de Pitot (Fig.2A) sont soumises :

Et la déformation de la capsule est proportionnelle à la différence de pression. Elle est ensuite amplifiée par un mécanisme et on affiche cette déformation qui est ensuite graduée directement en vitesse avec la convention suivante :
on prend ρ = 1,225 kg/m3 qui est la masse volumique de l'air en conditions dites « standard » (15°C, 1013,25 Pa)
Ainsi, sauf pour ces conditions l'indication de vitesse est-elle toujours erronée ; on la nomme alors Vitesse Conventionnelle Vc et il vous appartient de la corriger en fonction des écarts de température et de pression si vous êtes exigent sur la précision recherchée. En général des corrections linéarisées de type « 1,7% sur V par tranche de 10° d'écart par rapport à 15°C ou 288 K » sont suffisantes même en aviation professionnelle.

Dans le cas d'une alimentation de l'anémomètre par un venturi on rencontre deux montages possibles :

4. Installation des instruments sur un appareil :

Coté connexion entre l'antenne (tube de Pitot ou venturi) et l'anémomètre à bord de l'aéronef la règle la plus courante retenue par les équipementiers aéronautique est simple : autour de la capsule règne la pression statique ou pression ambiante, la même que celle qui autour de la capsule de l'altimètre indique l'altitude-pression. (Pour les instruments d'ULM toutes les règles existent d'une manière un peu anarchique)
Cette pression est captée à la surface de l'avion dans une zone où l'écoulement de l'air a une vitesse le plus possible égale à celle de l'appareil ce qui n'est pas toujours simple à trouver puisque ses formes provoquent des « champs de vitesse » et que de ce fait bien peu de zones sont soumises exactement à la pression atmosphérique. En cas de doute on fabrique un tube spécifique qui sera disposé bien parallèle au vent et dont la paroi sera percée de trous chargés de transmettre la pression statique. Ce tube peut être installé au voisinage du tube de Pitot ou même l'entourer constituant ainsi un tube de Pitot double dont la chambre centrale est à la pression totale et la chambre périphérique à la pression statique. (Fig.4)

fig 4

Fig.4 Tube de Pitot double

Pour les deux instruments la pression modifiée, (Pitot ou venturi) désignée généralement par le terme ambigu de « Dynamique », celle en provenance de l'antenne, est en général transmise à l'intérieur de la capsule. Selon que l'on connecte un tube de Pitot ou un venturi la vitesse gonflera la capsule ou la dégonflera et vous comprenez que l'instrument ne puisse être universel.

Malheureusement certains constructeurs d'instruments « pas-chers » ont joué la polyvalence en prenant la convention suivante : la plus haute pression à l'intérieur de la capsule de façon à construire un seul anémomètre et selon qu'il était destiné à un tube de Pitot ou à un venturi le ressort de rappel de l'aiguille n'était pas taré de la même façon. De joyeuses confusions en ont suivi.

5. L'erreur de statique et ses conséquences sur l'estimation de la vitesse :

Un défaut bien connu d'une installation anémométrique est l'erreur de statique. En effet si la référence de pression statique nécessaire dans les deux types d'instruments pour élaborer ?P n'est pas réellement égale à la pression atmosphérique alors le terme δP = Pt - Ps est faux car Ps est fausse.

Les cas les plus courants d'erreur de statique Ps et leurs conséquences peuvent être recensés comme suit :


Consignes concernant l'installation anémométrique sur la Souricette.

L'anémomètre indique la vitesse qui est un paramètre précieux pour le pilotage des aérodynes puisqu'en dessous d'une vitesse minimale de sustentation Vs la pression dynamique n'est plus suffisante pour assurer la portance ce qui se traduit par un enfoncement de la machine ou par un décrochage.
Pour cette raison vous avez appris à contrôler très fréquemment votre vitesse par un coup d'oeil rapide vers la zone où on a pris l'habitude d'installer l'anémomètre :

en haut et à gauche de votre panneau d'instruments de vol

Tout autre emplacement entraîne des recherches visuelles hésitantes qui peuvent troubler à la fois le débutant et le professionnel .
Mais l'anémomètre n'est pas toujours indispensable. En effet sur les petits appareils on estime facilement la vitesse par des informations aussi diverses que : le bruit du vent, la dureté aérodynamique des commandes (si elles sont exemptes de frottements) et l'assiette de l'appareil (position du capot sur l'horizon).
Le prototype de la Souricette a volé plus d'un an sans anémomètre piloté par plus de 50 pilotes différents qui recevaient pour consigne de ne jamais poser le capot plus haut que l'horizon tant en montée qu'en croisière ou qu'en approche. Le contrôle de l'assiette est largement suffisant pour assurer une vitesse de sécurité.
En revanche l'indication erronée d'un anémomètre peut mettre en confiance et entraîner des fautes de pilotage comme celle de mon ami Jean Louis Frugier, pilote confirmé. Il s'est mis en virage à basse altitude et à une vitesse qui du sol paraissait nulle alors que lui avait toutes les raisons de faire confiance à l'indication optimiste de son anémomètre.
Nous l'avons vu ensemble ensuite cette information, à cause d'une pression statique dans la cabine inférieure à la pression statique externe, était donnée par excès. En effet son anémomètre était alimenté par un tube de Pitot pour la pression totale et la prise de pression statique captait la pression de la cabine légèrement en dépression. Cette diminution erronée de la statique augmentait δP ce qui donnait une vitesse supérieure à la vitesse réelle. C'est probablement la cause de sa mise en vrille involontaire à une vitesse bien plus basse que celle indiquée. Au cours d'un vol suivant j'ai mis en évidence cette caractéristique. A noter qu'avec un montage alimenté par un venturi l'erreur aurait été commise dans l'autre sens et n'aurait pas conduit le pilote à voler involontairement à basse vitesse.
Depuis Jean Louis a sur mes indications installé des prises de pression statique sur les flancs droit et gauche du fuselage, à la côte 3250 mm, près du cadre C4. Deux prises G et D permettent d'équilibrer un défaut de symétrie du vol (attaque oblique). Elles sont reliées par un Y à la prise de pression statique de l'anémomètre. Désormais, sur son appareil les erreurs de vitesse sont insignifiantes.
Cela ne veut pas dire que ce montage convienne pour toutes les souricettes. En effet les champs de pression dépendent des aménagements personnels et en particulier de l'étanchéité de la cloison pare-feu. Sur mon prototype par exemple la cloison est percée d'un large orifice pour laisser passer le lanceur du moteur et de ce fait la pression à l'intérieur du fuselage est très voisine de la pression atmosphérique. Sur l'appareil de Jean Louis, comme sur tous ceux dont la cloison pare-feu bien étanche laisse la cabine à la dépression générée par le sillage du pare-brise, la statique cabine est plus basse que la pression atmosphérique dès que le moteur fonctionne.
En conclusion si vous installez un anémomètre et décidez de lui faire confiance, ne traitez pas votre installation à la légère. Contactez moi si vous avez besoin d'aide.
Mais voler sans anémomètre est un luxe que votre souricette vous permet. Majorer de 10 km/h votre vitesse en finale ne rallonge pas considérablement votre distance d'atterrissage. Quant à la montée, rappelez-vous, que l'assiette est une information bien plus fiable pour assurer vos performances en montée. Le capot posé sur l'horizon donne une incidence de 4° avec une précision et une fidélité bien supérieures à celles de l'anémomètre...

Michel BARRY, le 2 avril 2004

* Pitot : nom d'un physicien français (1695-1771), inventeur du tube décrit ci-dessus.

** Venturi : nom d'un physicien italien (1746-1822), qui a construit l'instrument décrit ci-dessus probablement pour ses recherches en acoustique. A noter que « venturi » devenu nom commun ne nécessite pas de majuscule contrairement à « Pitot » qui reste nom propre dans l'expression « tube de Pitot ».

*** Bernoulli : famille de savants originaires d'Anvers réfugiée à Bâle. Daniel (1700-1782) est le fondateur des grands principes de la Dynamique des Fluides.

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